"J'ai fait un burn out maternel et je décide d'en parler !"

D'une Miliwife à une autre - Interview n° 2

Miliwife Journal

4/7/20238 min read

grayscale photo of naked man
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Bonjour Tolérance, merci d’avoir accepté cette interview pour le Miliwife Journal!

Peux-tu te présenter brièvement stp?

Bonjour et merci à toi pour cette interview dans le Miliwife journal!
Je m’appelle Tolérance. J’ai 38 ans et je suis maman de 2 enfants : une fille de 8 ans et un petit garçon qui aura bientôt 3 ans. Je suis en couple depuis plus de 10 ans avec P. qui est officier de gendarmerie et Saint Cyrien de formation; de ce fait nous sommes mutés tous les 3 ans en France ou à l’étranger.

Je suis infirmière depuis 17 ans et cadre du secteur médico-social depuis 2016. Je travaille essentiellement depuis l’obtention de mon diplôme dans le domaine de la santé mentale, la précarité et le handicap. C’est une spécificité dans laquelle je me sens épanouie depuis toujours et je continue à me former encore aujourd’hui. Je suis la créatrice du compte Instagram: @mamanenburnout crée pour lever le tabou sur le burn- out parental, notamment chez les mères.

Tu as répondu présente pour partager ton histoire : “J’ai fait un burn-out maternel et je décide d’en parler”.

Premièrement, pourrais-tu nous définir “burn-out maternel”? Quelle est la différence avec une dépression?

Répondre présente à ce témoignage est pour moi essentiel. D’autant plus parce que dans le milieu des femmes de militaires, bien souvent la femme porte tout, assure la base arrière en l’absence du conjoint, avec la volonté de gérer le quotidien avec les enfants de façon parfaite alors que cette perfection est difficilement atteignable.

La burn-out parental est un trouble psychologique qui touche les parents exposés à un stress chronique dans leur rôle parental, sans avoir de ressources suffisantes pour compenser l’effet du stress. Il touche majoritairement les mères mais les pères aussi peuvent être touchés.

Il est à différencier de la dépression du post partum.
En Effet, la dépression affecte tous les aspects de la vie de la femme, le burn-out lui est propre à la relation que l’on entretient avec ses enfants ainsi qu’à la cellule familiale. Autre élément important, la DPP survient après la naissance et jusqu’au 1 an de l’enfant. Le BP peut aussi se manifester après une naissance , mais il peut arriver très longtemps après, des années plus tard même.
Le burn-out parental est un syndrome «tridimensionnel », insidieux et progressif qui fonctionne par phases:
Phase 1: L’épuisement physique, émotionnel et cognitif en lien avec la parentalité. Le parent n’a plus d’énergie pour assurer le rôle parental. Il est en « mode survie ».
Phase 2: La distanciation affective avec les enfants. C’est un désintéressement du parent envers ses enfants. Il y a part la suite un contraste qui se crée entre un idéal parental et la réalité vécue au quotidien qui est loin d’être idyllique. Phase 3: la saturation dans le rôle parental et la perte de plaisir pouvant avoir des répercussions graves sur les enfants (violences verbales, physiques).
Il est possible de ne pas présenter simultanément ces 3 dimensions et malgré tout être en burn-out parental.

A quel moment t’es tu rendue compte de ce “mal être”? Est- ce grâce à une personne extérieure, un proche, ou toi- même? Concrètement, quels sont les signes alarmants?

Cette question est difficile car on ne se rend pas compte du jour au lendemain que l’on est en burn-out parental. C’est un processus long et complexe. On ne s’en rend pas compte tout de suite, car il y a des moments ou tout va bien notamment au début.

Personnellement ce qui m’a alarmé c’est mon état de fatigue et des réveils nocturnes très fréquents. Tout me paraissait insurmontable: sortir de mon lit, préparer les enfants pour aller à l’école, sortir voir des amis, m’occuper de la maison, bref TOUT! C’est pas une fatigue qui passe en se reposant 1H, rien n’y fait ! Et le sentiment qui prédomine c’est la culpabilité.

Les signes qui doivent alerter sont les suivants:
Le stress, la fatigue chronique, des crises d’angoisses, une certaine impatience, colères ou agacement, l’impression d’être dépassée dans son quotidien de parents notamment avec les enfants, des troubles du sommeil, des éventuelles douleurs ou plaintes somatiques qui peuvent apparaître de manière récurrentes.

Comment as-tu vécu et traversé cette période?

J’ai beaucoup de mal à décrire ou expliquer ce que j’ai vécu. J’ai vécu l’enfer. Je me suis sentie seule, au sein même de mon propre foyer. J’espérais de l’aide dans le quotidien avec les enfants mais mon conjoint était peu disponible. Le travail, les permanences, les responsabilités. Je me refusais à en parler car je ne travaillais pas, ne participais à rien financièrement donc tout faire tout le temps était ma façon de compenser je crois. L’épuisement parental m’a anéanti d’être aussi mal. J’ai ressenti beaucoup de culpabilité et de honte parce que je me disais que j’avais tout pour être heureuse, des enfants, un conjoint haut gradé militaire, un métier, mais au fond tout ça ne veut rien dire. ON présage beaucoup de la vie des autres et de leur statut sociétal mais cela ne protège de rien et je crois que c’est nécessaire de le dire. Le burn-out parental peut toucher tout le monde ou presque. Au début je me suis sentie très seule, puis en créant mon compte Instagram je me suis rendue compte que je n’étais pas seule. Que d’autres mères avaient connu le burn-out parental, la difficulté maternelle en post partum. Elles avaient décider de ne plus simuler le bonheur et je me suis sentie soulagée. J’ai découvert qu’en parler était nécessaire, c’est tout simplement de la prévention.

Pourrais-tu affirmer que tu es complètement apaisée aujourd’hui? Une forme de guérison?

Je suis apaisée oui, mais je ne suis plus la même. Je veille sur mon bien-être parce que personne ne le fera pour moi. Je compte au sein de notre cocon familiale. Je ne veux plus être une mère sacrificielle. Cela m’a coûté 8 mois d’arrêt maladie, et bien pire puisque j’ai connu la distanciation avec mes enfants et ça je ne veux plus jamais le revivre.

Parfois, lors de moment de fatigue pendant plusieurs jours, ou lorsque que je me sens submergée quand mon conjoint est en déplacement ou que les nuits avec mon fils sont difficiles, je me surprends à avoir peur de la rechute...Mais à chaque fois je me sens solide, je sens que ma fatigue, ma culpabilité, mes difficultés du quotidien font fasse à des réactions adaptées de ma part. J’arrive à rapidement mobiliser mes ressources pour tenir bon. Je priorise et je ne culpabilise plus de ne pas tout faire parfaitement!

Bien entendu, je ne suis pas à l’abri d’une rechute, personne d’ailleurs mais je pense que je consulterais dès les premiers doutes parce que je connais maintenant le mécanisme de mon burn-out. Je pense que je n’attendrais pas que « ça passe » ou que le perfectionnisme parental à outrance se réinstalle, parce que je n’ai plus honte de demander de l’aide.

Quelles sont tes actions mises en place aujourd’hui pour continuer ton chemin de vie sereinement?

La première action que j’ai mise en place c’est de demander de l’aide à un professionnel qualifié et diplômé. J’ai consulté mon médecin traitant mais on peut également en parler à une psychologue, psychiatre, consulter dans une PMI, un centre médico psychologique, etc...
Ensuite, j’ai parlé à mon conjoint car dans les stresseurs identifiés pendant mon suivi, il y avait la solitude et l’absence de co-parentalité dans laquelle je vivais depuis des mois voire années. Au delà de son travail, des absences, quand il était là il ne faisait pas sa part, et du coup je me suis effondrée sous le poids des responsabilités et l’absence de soutien de mon conjoint. Il a mis beaucoup de temps à le comprendre. Et honnêtement parfois je me dis encore que ce n’est pas gagné. Parce que c’est un problème sociétal profond. En tout cas, j’exige qu’il fasse sa part quand il est là comme moi je fais la mienne.
J’ai compris que même si j’aimais très fort mes enfants, j’avais aussi besoin de moments sans eux. Des temps seule ou avec des amis, loin, pour souffler et recharger les batteries. Prendre l’air à la terrasse d’un café, aller au sport, lire un livre. Pour cela, je me repose beaucoup sur ma famille dès que c’est possible et une nounou de confiance.

J’ai également volontairement repris le travail à mi temps afin d’être épanouie professionnellement , et avoir du temps pour moi lorsque les enfants sont à l’école.
J’essaye de ne garder en mémoire que les beaux moments, les réussites dans ma journée, ce que j’ai accompli malgré le peu de ressources lorsque je passe plusieurs jours seules avec les enfants. Je nous valorise moi et les enfants parce que c’est pas facile pour eux. Notre rythme de vie, nos déménagements, notre agacement, notre fatigue.

J’ai très peu d’amis mais j’ai quelques personnes qui sont là pour moi, sur qui je peux compter et ça c’est précieux.
Je m’autorise à être fatiguée, à avoir besoin de repos, à être une mère imparfaite sans culpabiliser. J’essaye de ne pas juger les autres mères, d’être bienveillante, parce qu’on fait toutes comme on peut.

Que conseillerais-tu à une Miliwife qui vit la même chose aujourd’hui, ou qui se reconnaît dans tes mots?

Si tu te reconnais dans mes mots saches que tu n’es pas la seule à ressentir tout ça. Etre mère c’est dur, être femme de mili aussi. Tu es légitime dans ce que tu vis, avec tes émotions et tes difficultés. Tu es une bonne maman.
Je te conseille de te rapprocher de ton médecin, ta gynéco, ta sage femme...

Un professionnel de santé diplômé et qualifié qui pourra t’écouter, t’orienter. N’aies pas honte d’en parler à ton conjoint, ton entourage proche. Ils ne se rendent probablement pas compte de la gravité de ton état et de ce que tu supportes au quotidien.
L’amour maternelle n’est pas en cause, jamais! Alors vraiment ne doutes pas de ce que tu ressens pour tes enfants.

Je te laisse lire sur mon compte les posts que j’ai écrit et si tu as besoin de parler n’hésites pas à me contacter.

Merci à Tolérance pour avoir participé et contribué au journal.

Sources sur le Burn-out parental:

-https://www.parental-burnout-training.com/comprendre-diagnostiquer-burnout-parental/«Le burn-out parental: Comprendre, diagnostiquer et prendre en charge »: formation réservée aux professionnels de santé que j'ai effectué.
-Livre : "Le Burn-out parental : L’éviter et s’en sortir »,de Moïra Mikolajczak, Isabelle Roskam, Nouvelle Edition, 2020, Ed. Odile Jacob, 192 pages
-Livre: "Comment traiter le burn-out parental ? Manuel d'intervention clinique", Par Maria Elena Brianda, Isabelle Roskam, Moïra Mikolajczak, 2019, Ed. De Boeck Sup, 224 pages
-Livre: le burn-out parental: comprendre et prendre en charge, de Moïra Mikolajczak, Isabelle Roskam, Préface de Liliane holstein, 2018, Ed.De Boeck Sup, 336 pages

-La fatigue physique et émotionnelle des mères – le burn out maternel » Violaine Guéritault